Quatre hausses d¹affilée rien que durant ces quatre derniers jours. Hier le prix du baril a titillé les 65 dollars. Désormais, ce n¹est plus le classique déséquilibre entre la demande et l¹offre qui est mis en cause, même s¹il est régulièrement mis en avant par les «analystes» dogmatiques. Les spéculations boursières, les rumeurs sur les vraies fausses tensions dans le monde et la rapacité des «majors» pétrolières en sont la cause principale. Si la croissance dans les pays de l¹OCDE n¹est pas menacée par ce renchérissement, les pays en voie de développement non producteurs de pétrole ont, eux, des soucis à se faire.
Avant 2003, l¹or noir se négociait dans une fourchette de prix comprise entre 18 et 30 dollars le baril. En l¹espace d¹une seule année (d¹août 2004 à août 2005) le prix du baril a plus que doublé.
Quelle est la cause de cet état de choses ? L¹explication par la seule pression de la demande chinoise ne convainc plus personne. Pas plus d¹ailleurs que celles des passages saisonniers d¹ouragans, des violences sporadiques au Nigeria et continues en Irak, des menaces terroristes en Arabie Saoudite…
La principale cause de la montée vertigineuse des prix du pétrole est surtout imputable aux voraces traders qui officient dans les grandes places boursières (New York et Londres particulièrement). Or, pourquoi maintenant, alors que le pétrole est coté en bourse depuis 1983 sans avoir jamais subi de telles turbulences ?
Sans vouloir verser dans les facilités de la théorie du complot, certains analystes, qui prévoient un baril à 70 dollars, voire plus, dans les quelques jours qui viennent, avancent deux thèses explicatives à ce phénomène atypique.
D¹une part, ils voient dans cette montée spéculative, la main des grandes majors pétrolières américaines qui, à leur tour, sont encouragées par certains milieux politico-économiques locaux. Leur objectif étant de faire d¹une pierre deux coups : freiner la vertigineuse croissance économique chinoise, tout en empochant de gros surplus qui serviront à éponger un tant soit peu l¹immense déficit budgétaire américain.
La dynamique du pays de Mao, qui ne cesse de multiplier les «grands bonds» en avant, sera-t-elle affectée par cette sournoise politique de «deux dollars en avant, un dollar en arrière» ? Le démantèlement tarifaire en matière textile au début de cette année nous a donné un avant-goût de la capacité de la Chine à se montrer aussi souple qu¹une perche de bambou face à cette guerre économique que les pays de l¹OCDE sont en train de lui livrer.
D¹autre part, et selon la deuxième thèse, qui rejoint d¹ailleurs la première, les USA sont en train de faire payer à certaines multinationales, par spéculateurs interposés, les énormes sommes d¹argent englouties par la guerre d¹Irak dont personne n¹a pu prévoir l¹enlisement désastreux.
Une chose est sûre : malgré des prix de baril pénalisants, les économies des pays de l¹OCDE se portent bien, selon un diagnostic établi hier par l¹Agence internationale de l¹énergie (AIE), alors que celles des pays en voie de développement risquent non seulement d¹en pâtir, mais d¹en subir aussi les contrecoups en termes de troubles sociaux, comme cela vient de se passer au Yémen et ailleurs, en Amérique centrale.
Cette situation ouvre aussi la voie à la recherche d¹une énergie de rechange, ce qui peut pousser certains pays à opter carrément pour l¹énergie nucléaire. A condition que les USA, actuellement aux prises avec la Corée du nord et l¹Iran, l¹acceptent.
Mais où sont passés les donneurs de leçons économiques que sont le Fonds monétaire international et la Banque Mondiale ?
En février 2003, lors d¹un débat télévisé sur France 2 – on s¹en souvient encore – l¹ancien ministre de droite, Alain Madelin, croyait asséner un argument massue à ses contradicteurs anti-guerre, en déclarant que le monde ne se porterait que mieux, puisque l¹invasion irakienne permettrait d¹acheter durablement le baril du pétrole à cinq dollars ! Il est aujourd¹hui bien servi… à moins que le temps en décide autrement !
Mohamed Ould Boah