Le salon du livre de Casablanca, en 2005, a été consacré à la littérature espagnole. Que sait-on, au Maroc, au sujet de cette production romanesque ? Je voudrais profiter de cette occasion pour avancer quelques noms de romanciers et quelques idées. Je le fais du point de vue de l¹économiste. Pour être comblé, le retard historique que constitue le sous-développement suppose la réalisation de deux objectifs fondamentaux : le développement de l¹épargne et le développement de la lecture. L¹épargne est la création d¹un capital monétaire. La lecture est la création d¹un capital culturel. L¹un ne va pas sans l¹autre. La combinaison des deux crée la richesse d¹un pays.
La littérature espagnole participe à notre propre capital culturel. Elle le fait au même titre que la littérature allemande, américaine ou japonaise. La mondialisation de la culture a précédé de deux siècles, au moins, la mondialisation financière. C¹est pourquoi il est urgent d¹en prendre conscience et d¹y adhérer.
Le Morisque de la Manche
Don Quichotte de la Manche, de Miguel de Cervantes, est certainement un des plus beaux livres de la terre. La publication du premier livre date de 1605. Le second livre a été publié en 1615.
Le lecteur arabophone qui a lu Hamadani ou Hariri ne sera pas dépaysé : l¹auteur castillan adopte la forme des maqamat, chère aux auteurs arabes. Ceci veut dire que chaque récit est indépendant des autres. Mais qu¹un fil conducteur existe : le héros, figure de la bohème littéraire, impécunieux, parcourt le monde et fait des rencontres. Chaque rencontre fait l¹objet d¹un récit indépendant.
Cervantes conserve cette trame, mais lui ouvre des perspectives nouvelles : son roman devient un hymne à la liberté et à la tolérance. A ce titre, il dépasse largement ses prédécesseurs.
Il a deux trouvailles ce génie : il présente le monde au travers du regard d¹un vaincu : le Morisque. Ce regard filtré par l¹intermédiaire de deux personnages que tout oppose, mais qui sont néanmoins indissolublement liés.
En 1605, les «Arabes» ont complètement disparu du paysage espagnol. Leurs descendants sont chrétiens depuis 1492. Plus d¹un siècle est passé depuis la chute de Grenade. Cervantes va s¹avancer sous le masque d¹un morisque : L¹auteur tombe, par hasard, sur un manuscrit en aljamiado; ce mot veut dire que le manuscrit est écrit en langue castillane, mais en caractères arabes. Il se fait lire le manuscrit par un Morisque de passage et cela donne ceci : «Histoire de don Quichotte de la Manche, écrite par Cid Hamed Ben-Engeli, historien arabe». Ce n¹est pas une simple clause de style. Cervantes fera intervenir Cid Hamed chaque fois que le cours du récit le permettra. C¹était pourtant un difficile exercice de style. En 1605, lors de la publication du premier livre, les morisques sont encore tolérés en Espagne. Ils seront expulsés d¹Espagne en 1609 par Philippe III. Mais Cervantes ignore cette tragédie.
Il continue, lors de la parution du second livre en 1615, à parler des «Arabes» comme s¹ils vivaient encore en Espagne.
On admettra volontiers que le morisque est le vaincu de l¹histoire. Il ne peut porter sur la société dans laquelle il tente de vivre qu¹un regard de vaincu. Mais il s¹agit aussi d¹une société espagnole largement déstructurée : l¹or des Amériques, stocké par Philippe II, a considérablement appauvri l¹Espagne. L¹or est malédiction : il entraîne toute la Méditerranée dans la décadence. Un morisque aura les coudées franches pour dénoncer les maux de la société espagnole. Nous verrons qu¹il dénoncera des maux imaginaires pour mieux montrer du doigt les vrais.
Ainsi, Cid Hamed dénonce la chevalerie, mais celle-ci a cessé d¹exister depuis plusieurs siècles. Cette dénonciation n¹est qu¹un prétexte pour brocarder les chansons de geste qui demeurent. Il s¹en prend à la Chanson de Roland, qui est une histoire de violence, d¹intolérance et de mort. Cid Hamed est un «Arabe». Il n¹aime pas les récits où l¹on tue les «Arabes» par milliers.
Il dénonce l¹exigence de la pureté de sang. Il le fait en ces termes : «Mes parents sont laboureurs enfin, mais de sang pur, sans aucun mélange de race malsonnante, et comme on dit, vieux chrétiens de la vieille rocheŠ».
Cervantes moque cette prétention à la pureté du sang; la dame qui s¹exprime de la sorte connaîtra les plus grands malheurs, malgré la pureté de son sang. De plus, Cervantes fait de Cid Hamed un «manchois», pur sang comme Sancho ou Quichotte. Il n¹empêche. Ces trois lignes expriment tous les fantasmes qui se développeront jusqu¹au XXe siècle et conduiront au nazisme. Cervantes dit non, par avance, au racisme qui polluera, plus tard, les mentalités européennes.
Mais voici la première déclaration des droits de l¹Homme :
«Imbécile, s¹écria don Quichotte, est-ce, par hasard, aux chevaliers errants à vérifier si les affligés, les enchaînés et les opprimés qu¹ils trouvent sur les grands chemins vont en cet état et dans ces tourments pour leurs fautes ou pour leurs mérites ? Ils n¹ont rien à faire qu¹à les secourir à titre de malheureux, n¹ayant égard qu¹à leurs misères, et non point à leurs méfaits. J¹ai rencontré un chapelet de pauvres diables, tristes et souffrants et j¹ai fait pour eux ce qu¹exige le serment de mon ordre : advienne que pourra.»
Aujourd¹hui encore, en 2005, je placerais cette profession de foi en introduction d¹un livre sur l¹économie politique. C¹est dire sa modernité.
Mais Cid Hamed est prudent. Il se garde bien de réveiller la Santa Hermandad qui dort avec tranquillité. C¹est pourquoi, il fait de don Quichotte un homme grotesque, qui ignore les effets pervers de ses bons sentiments : il a confondu les humiliés et les offensés avec des criminels endurcis condamnés par la justice royale. Le lecteur rit de bon c¦ur, mais le message d¹espoir est passé.
Le roman de Cervantes est aussi un hymne dédié au «vivre-ensemble» dans une même société formée d¹individus aux opinions apparemment inconciliables.
Tel est le sens que l¹on peut donner à un récit sur la rencontre entre chrétiens et musulmans.
Don Quichotte est attablé dans une hôtellerie. Un couple survient; la conversation s¹engage. Le couple n¹est plus habituel. L¹homme et la femme sont habillés comme des «Arabes». Il porte un cimeterre moresque. Elle est «une femme vêtue à la moresque, le visage voilé et la tête enveloppée d¹une large coiffe.
Elle portait, par dessous, une petite toque de brocart, et une longue robe arabe (almalafa) la couvrait des épaules jusqu¹aux pieds.» Comme dans tout bon conte des mille et une nuits, le couple moresque raconte ses étranges aventures. Lui, chrétien, a été fait prisonnier par les Mores et conduit en captivité à Alger. Il fait la connaissance de la belle Zoreïde, fille unique d¹un riche Algérois. Son père nourrit pour elle un amour fou. Il va jusqu¹à lui confier sa fortune : elle consiste dans des bijoux d¹une grande valeur contenus dans un coffre; elle en a la disposition. La mère de Zoreïde est morte. Elle était chrétienne; elle a élevé sa fille dans sa foi. Zoreïde n¹a qu¹une idée : quitter Alger la musulmane pour aller vivre sa foi en Espagne. Elle a l¹argent; il lui manque le bateau et les hommes pour le man¦uvrer. Le captif chrétien est sans le sou. Ils s¹allient pour s¹évader. Ils y arrivent. Les contre-temps s¹accumulent. Les fugitifs prennent le père de Zoreïde comme otage. En mer, ils font la rencontre d¹un bateau corsaire breton. Ils jettent les bijoux à la mer. Ils sont captifs. Le corsaire breton est attaqué par un autre bateau. Les fugitifs arrivent à se sauver. Zoreïde supplie ses compagnons de débarquer son père sur une terre musulmane. Ils accèdent à son désir. Ils me débarquent dans un lieu-dit Cava rhoumia. Cava est la déformation castillane du mot arabe qui signifie : prostituée. L¹expression est hautement symbolique : Zoreïde est une cava parce qu¹elle a ruiné et abandonné son père, récompensant mal l¹amour exclusif qu¹il lui portait. Le message est clair : il est inutile de «tuer» son père pour des raisons religieuses.
Je choisis un autre message de tolérance; il figure dans la deuxième partie du roman, publiée en 1615. Les Morisques ont été expulsés en masse en 1609. Cervantes n¹en fait pas état. Mais il en est tout mélancolique. En 1615, Cervantes ressent une tendresse particulière pour Cid Hamed. Il écrit :
«Véritablement tous ceux qui aiment les histoires comme celle-ci doivent se montrer reconnaissants envers Cid Hamed, son auteur primitif, pour le soin curieux qu¹il a pris de nous en conter les plus petits détails et de n¹en pas laisser la moindre parcelle sans la mettre distinctement au jour. Il peint les pensées, découvre les imaginations, répond aux questions tacites, éclaircit les doutes, résout les difficultés proposées, et finalement manifeste, jusqu¹à ses derniers atomes, la plus diligente passion de savoir et d¹apprendre.»
Très indirectement, Cervantes s¹adresse à une frange de la société dont la pureté de sang se manifeste par une dévotion pour l¹ignorance assimilée à la sainteté.
Quelques pages plus loin, Cervantes revient sue son compagnon d¹écriture :
«Cid Hamed, dans l¹original de cette histoire, mit, dit-on, à ce chapitre un exorde que son interprète n¹a pas traduit comme il l¹avait composé. C¹est une espèce de plainte que le More s¹adresse à lui-même pour avoir entrepris d¹écrire une histoire aussi sèche et aussi limitée que celle-ci, forcé qu¹il est de parler toujours de don Quichotte et de SanchoŠ» Il ajoute qu¹il est plus facile d¹écrire sur un seul personnage.
Cervantes ne se sépare pas de Cid Hamed, son compagnon d¹infortune dans l¹écriture.
Et voici, enfin, le dernier récit du Morisque et de sa fille qu¹introduit Cervantes dans la deuxième partie de son livre, publiée en 1615.
Voici la complainte de la fille :
«Je suis de cette nation plus malheureuse que prudente, sur laquelle est tombée, dans ces derniers temps, une pluie d¹infortunes. J¹appartiens à des parents morisques.
Dans le cours de nos malheurs, je fus emmenée par deux de mes oncles en Berbérie, sans qu¹il me serve de dire que j¹étais chrétienne, comme je le suis en effet, non de celles qui en feignent l¹apparence, mais des plus sincères et des plus catholiquesŠJ¹eus une mère chrétienne et un père qui eut la discrétion de l¹être. Je suçai avec le lait la foi catholique; je fus élevée dans de bonnes m¦urs; jamais, ni par la langue ni par les usages, je ne laissai croire, il me semble, que je fusse morisqueŠ» La voici cependant en exil à Alger. Elle y connaîtra diverses tribulations et séparée de son père. Son père a nom Ricote. Le père dit :
«J¹ai quitté ma patrie pour aller chercher un asile chez les nations étrangères, et, l¹ayant trouvé en Allemagne, je suis revenu (en Espagne) en habit de pèlerin, et en compagnie d¹autres Allemands, pour chercher ma fille et déterrer les richesses que j¹avais enfouies». Dans sa fuite, le Morisque n¹avait pu emporter son argent.
Longtemps, cette partie du récit m¹a paru incompréhensible : pourquoi, diable, un «Arabe», chassé d¹Espagne, irait-il se réfugier en Allemagne ? Quelle est la logique de ce cheminement ? Longtemps, j¹ai cru à une invention fantaisiste de Cervantes. Et puis, en 1985, j¹ai compris. Je me trouvais à Munich et l¹idée m¹est venue de visiter le musée municipal. J¹y ai découvert un ensemble de sculptures intitulé «Les danseurs morisques». Ces danseurs formaient à l¹origine un groupe de 16 personnages. Seuls 10 ont été préservés. Ils sont l¹¦uvre de Erasmus Grasser, important sculpteur et ébéniste de Munich, né en 1450, décédé en 1518. Il a reçu cette commande sans doute entre 1470 et 1474. Ces Morisques étaient des musiciens et des danseurs. Ils animaient la salle des fêtes de Munich lors des réceptions princières. L¹émigration des «Arabes» espagnols vers l¹Allemagne avait donc une origine très ancienne. Cervantes n¹avait rien inventé : l¹Allemagne était un pays refuge pour ces exilés. La musique morisque implantée en Allemagne a peut-être inspiré la musique religieuse du protestant Jean-Sébastien Bach. Cette musique protestante fait les beaux jours des messes des grandes églises catholiques. Ainsi va le métissage culturel, plus fraternel que la pureté du sang. C¹est pourquoi Don Quichotte demeure un livre d¹actualité : il a planté la culture arabe au sein de la chrétienté. Celle-ci ne s¹en est jamais remise.
Revenons à notre Morisque Ricote et à sa famille. Le récit de leurs malheurs a ému leurs compagnons. Ils se proposent d¹intervenir en leur faveur pour qu¹ils puissent demeurer en Espagne :
«Non, dit Ricote, il ne faut rien espérer de la faveur ni des présents : car, avec le grand don Bernardino de Vélasco, comte de Salazar, auquel Sa majesté a confié le soin de notre expulsion, tout est inutile, prières, larmes, promesses et cadeaux. Il est vrai qu¹il unit la miséricorde à la justice ; mais comme il voit que tout le corps de notre nation est pourri, il use plutôt pour remède du cautère, qui brûle, que du baume, qui amollit. Avec la prudence et la sagacité qu¹il apporte à ses fonctions, avec la terreur qu¹il inspire, il a porté sur ses fortes épaules l¹exécution de cette grande mesure, sans que notre adresse, nos démarches, nos stratagèmes et nos fraudes eussent pu tromper ses yeux d¹Argus, qu¹il tient toujours ouverts, pour empêcher qu¹aucun de nous ne lui échappe et ne reste comme une racine cachée qui germerait avec le temps et répandrait des fruits vénéneux dans l¹Espagne, enfin purgée et délivrée des craintes que lui donnait notre multitude. Héroïque résolution du grand Philippe III, et prudence inouïe d¹en avoir confié l¹exécution à don Bernardino de Velasco ! ²
Je vois dans cette tirade du Morisque Ricote, la première manifestation, en Europe, de l¹humour noir. Cervantes a innové. On retrouvera cette même approche de la réalité cruelle, trois siècles plus tard, dans l¹humour juif new-yorkais. Ce roman demeure toujours d¹une grande actualité.
Ricote retournera en Allemagne et, don Quichotte mourra quelques pages plus loin. Ainsi s¹achève cet extraordinaire ouvrage.
Il nous reste à présent a disserter sur les deux personnages qui sont le fil conducteur de tous les récits : don Quichotte et son écuyer Sancho Panza.
On l¹a vu, Hamadani et Hariri avaient construit leurs maqamat autour d¹un seul personnage, cultivé et désargenté, filou et justicier. Cervantes a l¹idée géniale de créer deux personnages. Ce dualisme va lui permettre de jouer sur la complexité de la nature humaine. On peut dire, par exemple, que, quand il s¹attaque aux moulins à vent, don Quichotte est projeté dans le ciel par leurs ailes. Mais, quand il atterrit brutalement sur terre, son corps endolori fait de lui Sancho Panza. Ou alors, il s¹endort Sancho et se réveille don Quichotte. Il forme un indissociable attelage à la personnalité schizophrène. Don Quichotte fonde son action sur le rêve. Sancho, prudent et calculateur, nettoie les plaies du rêveur et médite sur les malheurs qui touchent celui-ci. C¹est ainsi que Cervantes a inventé le concept de névrose.
Cervantes pose la question suivante : qu¹est-ce qu¹un homme normal ? Il apporte deux réponses à cette question : il tient pour acquis qu¹un homme capable de vivre dans notre monde divisé et tourmenté et de venir à bout, raisonnablement, de ses réalités est un homme normal. C¹est le principe de Sancho.
Mais cet homme peut aussi transcender la réalité et se sentir contraint à se défendre contre des dangers irréels et irrésistiblement poussés à promouvoir une société plus juste, plus humaine plus fraternelle. Aspirer à vivre dans un monde qui n¹existe pas et se battre contre des dangers irréels (les moulins à vent), c¹est le propre de la névrose. C¹est le principe de don Quichotte.
Cet homme névrosé est l¹exact profil de l¹intellectuel tel qu¹il apparaîtra deux siècles plus tard avec Voltaire. Le XXe siècle a vu l¹émergence de nombre d¹intellectuels de facture cervantesque. Jean-Paul Sartre, dont nous fêtons, en 2005, le centième anniversaire de la naissance, en est un très bon exemple. On n¹a pas fini d¹explorer l¹univers de Cervantes d¹un point de vue purement «arabe», qui diffère nécessairement des analyses européennes lesquelles ignorent le contenu arabe de la culture espagnole antique.
Je voudrais, enfin, en guise de conclusion, citer ce qui, dans le roman, m¹a le plus ému, en tant qu¹économiste. Voici :
«Or il arriva qu¹en passant dans une rue, don Quichotte leva les yeux et vit écrit sur une porte, en grandes lettres : Ici, on imprime des livres. Cette rencontre le réjouit beaucoup ; car il n¹avait vu jusqu¹alors au aucune imprimerie, et il désirait fort savoir ce que c¹était. ²
Don Quichotte pénètre dans l¹imprimerie et se fait expliquer le maniement des caractères ainsi que les procédés de la composition.
«Il s¹approcha d¹un compositeur et lui demanda ce qu¹il faisait.
³ – Seigneur, répondit l¹ouvrier en lui désignant un homme de bonne mine et d¹un air grave, ce gentilhomme que voilà a traduit un livre italien en notre langue castillane, et je suis à le composer pour le mettre sous presseŠ ²
Ainsi, Cervantes, par le truchement de Cid Hamet, expose le testament de don Quichotte, qui va mourir, de mort naturelle, quelques pages plus loin.
Ce testament concerne les vertus de cette invention fantastique qu¹est l¹imprimerie. Don Quichotte prend connaissance de l¹imprimerie cent cinquante ans après les Allemands et les Danois, par exemple. Mais enfin, l¹imprimerie est dans les m¦urs castillanes en ce début du XII° siècle.
Son usage marque une rupture totale avec le commerce du passé. Le livre est le premier objet d¹une fabrication en série. L¹imprimerie marque la naissance de l¹industrie. Elle permet la baisse des prix des produits fabriqués en nombre illimités. Elle institue, par la surproduction, une concurrence féroce pour survivre. Le progrès est à ce prix. L¹Espagne y accède tardivement, mais enfin, elle y accède.
L¹usage de l¹imprimerie est la première manifestation de la démocratisation : elle concerne la culture, qui développe l¹intelligence et, donc, le niveau de vie da chaque individu. La grande masse peut lire car le prix du livre n¹est pas prohibitif comme celui du manuscrit.
Ce testament de Cervantes ou de Cid Hamet, comme on voudra, évoque aussi la vertu des traductions. Un pays se développe par assimilation des richesses des autres. Traduire un livre, c¹est enrichir les lecteurs par le libre échange des idées exprimées en idiomes différents. Ce sont là des vertus du marché, des libres échanges internationaux et de la production de masse. L¹imprimerie et les traductions ont été les premiers vecteurs d¹une économie de développement. Cela reste une politique toujours actuelle.
Cervantes a livré ce secret aux Castillans. Nous avons l¹Espagne d¹aujourd¹hui, riche et démocratique.
Cid Hamet n¹a pas été écouté par ses coreligionnaires au Maghreb. Ils ont ignoré l¹imprimerie et oublié leurs antiques habitudes de traduire. Ce faisant, ils ont provoqué, sur le long terme, analphabétisme, misère, décadence et occupations coloniales. Nous payons toujours, aujourd¹hui, au prix fort, cette navrante désinvolture.