Les circuits de production et de commercialisation du secteur avicole font face à un défi de taille, celui d’assurer leur restructuration en conformité avec la loi adoptée à cet effet et qui tarde à se concrétiser en raison de multiples pesanteurs.
En effet, dix pour cent seulement de la production annuelle de la volaille industrielle, soit 30.000 tonnes, sont fournis par des abattoirs avicoles industriels soumis aux contrôles sanitaires et équipés de moyens de transport conformes à la réglementation en vigueur, le reste provenant d’unités artisanales difficiles à contrôler.
Le nombre élevé de ces locaux d’abattage et de vente et leur dispersion ne permettent pas un contrôle rigoureux de la qualité de la volaille livrée au consommateur, selon le ministère de l’Agriculture et du Développement rural.
Dans ces locaux aménagés de façon très rudimentaire et équipés d’une ou de plusieurs plumeuses, l’on procède, dans des conditions d’hygiène très précaires, à la fois à la vente et à l’abattage du poulet industriel qui représente 50 pc de la consommation de viandes écoulées sur les marchés et dont le prix modéré en fait un produit largement sollicité.
La consommation de viande de volaille par habitant et par an a évolué de 2,3 kg en 1970 à 10,7 kg en 2003 et celle des oeufs a progressé de 21 à 102 unités durant la même période, selon des statistiques dudit ministère.
« Ces tueries sont une usine de bactéries en raison de l’absence de désinfection des lieux et du matériel utilisé et de contrôle d’hygiène et de suivi médical de la main-d’oeuvre », a déploré F. Nawal, ingénieur agronome, pour qui la résolution de ces problèmes sanitaires constitue « un enjeu capital pour la santé publique et pour l’industrie avicole ».
Mme F. Nawal a confié à la MAP qu’il est nécessaire d’engager une campagne de sensibilisation avec des spots publicitaires véhiculant des informations sur les normes sanitaires et la salubrité du poulet abattu dans les tueries artisanales afin d’enclencher une prise de conscience chez les consommateurs sur les risques encourus pour la santé.
Pour un vétérinaire, membre de l’association marocaine de pathologie aviaire, il est indispensable de réaliser et de publier des études d’impact et d’évaluation sur le risque de contamination lors des différentes opérations d’abattage (saignée, échaudage, plumaison, éviscération, température de conservation). Ces études doivent porter également sur les locaux où s’effectuent ces opérations et sur la santé des employés qui peuvent être des agents de transmission de bactéries et ce, pour déterminer la qualité microbiologique de la volaille et évaluer le risque potentiel sur la santé publique.
Selon ce professionnel, il est recommandé de procéder à une inspection vétérinaire ante-mortem de « la table à l’étable », en remontant la filière, dans les fermes, les marchés et les locaux d’abattage pour recenser tous les facteurs à risque.
Outre les carences concernant la désinfection des camions de transport de volaille et des machines de plumage, ce vétérinaire a relevé que l’eau servant à la plumaison, réutilisée pendant toute la journée, peut s’avérer un vecteur de contamination. Il suggère, à cet égard, un contrôle hebdomadaire du compteur d’eau pour vérifier la quantité d’eau consommée.
Pour la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA), c’est la forte demande qui a favorisé le foisonnement de ces points de vente disséminés qui constituent un obstacle à l’installation d’abattoirs industriels avicoles dont plusieurs ont été contraints d’arrêter leurs activités ou de fonctionner à faible capacité.
Au nombre de 17, ces abattoirs sont implantés à Rabat, Tanger, Settat, Mohammedia, Had Soualem, Khémisset, Oujda, Errachidia, Agadir, Marrakech, Casablanca et Kénitra. En outre, deux unités d’abattage d’autruche sont installées à Casablanca et Témara, précise la FISA.
Selon la Fédération, seuls les abattoirs avicoles installés à Tanger ont pu développer leurs activités grâce à l’application rigoureuse du Dahir portant loi sur les mesures relatives à l’inspection sanitaire et qualitative des animaux vivants et des denrées animales ou d’origine animale.
La FISA recommande notamment l’interdiction de l’ouverture de nouvelles unités artisanales, la reconversion progressive des unités existantes en points de vente de volaille abattue dans les conditions d’hygiène requises et la réservation de lots de terrain équipés dans les zones industrielles pour l’installation d’abattoirs avicoles.
Conscient de la place importante du secteur avicole, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural prépare un plan de mise à niveau englobant les différents maillons de la chaîne. Ce département a déjà initié une loi dont les textes d’application sont en cours d’approbation, relative à la protection sanitaire des élevages avicoles et au contrôle de la production et de la commercialisation des produits avicoles. La perspective de restructuration du secteur suscite cependant les appréhensions des milieux corporatifs.
Des membres de l’association des vendeurs et revendeurs au marché de gros de Rabat ont exprimé à la MAP leur crainte quant à un risque de monopolisation du secteur par les particuliers avec des conséquences néfastes sur les catégories sociales vivant de cette activité. La généralisation des abattoirs s’accompagnerait également d’une hausse des prix de la volaille, estiment-ils .
Pour mettre de l’ordre dans ce secteur et sauvegarder les revenus d’une large catégorie de la population tout en garantissant la qualité d’un produit largement consommable, ceux-ci préconisent l’installation d’un abattoir avicole municipal ouvert aux consommateurs, aux vendeurs et aux revendeurs.
Ils ont également suggéré l’octroi d’une aide pour convertir les unités artisanales en petits abattoirs avicoles équipés de plumeuses, de bacs d’immersion et de saignoires. Parallèlement, des membres de cette association proposent qu’une commission d’inspection procède régulièrement à la vérification des conditions d’abattage, d’hygiène et de désinfection des lieux et du matériel utilisé.
Désireux d’accompagner le processus de modernisation d’un secteur vital, des représentants de l’association des vendeurs et revendeurs au marché de gros de Rabat avaient tenté de négocier un accord avec l’abattoir industriel avicole « Avolca » installé dans la capitale.
Ils ont proposé, dans le cadre de cette négociation, de payer à cet abattoir le prix de la préparation de leur volaille qu’ils se proposent de vendre, par la suite, à de petites unités modernes, spécialement équipées, et dûment agrées par les autorités.
Ce secteur couvre actuellement 100% des besoins en oeufs et en viandes de volailles qui représentent 50% de la consommation totale de toutes les viandes.
La production de viande de volaille est passée de 29.000 tonnes en 1970 à 320.000 tonnes en 2003 enregistrant un taux de progression moyen annuel de 7,5%.
La production des oeufs de consommation s’est accrue de 400 millions à 3 milliards d’unités durant la même période.
La consommation de viande de volaille par habitant et par an a évolué de 2,3 kg en 1970 à 10,7 kg en 2003 et celle des oeufs a progressé de 21 à 102 unités durant la même période.
L’approvisionnement du pays en viandes blanches et en oeufs est passée respectivement de 23 à 84% et 0,3 à 73% entre 1970 et 2003.
Les investissements consentis sont évalués à 6 milliards de DH et le chiffre d’affaires réalisé, toutes branches confondues, en l’an 2002 est de l’ordre de 12 milliards de DH. Ce secteur a permis la création d’environ 62.000 emplois directs dans les unités de production et 168.000 emplois indirects dans les circuits de distribution et de commercialisation.