Mme Yasmina Baddou, notre Ministre de la santé est juriste de formation.
Vous devez certainement vous douter que nous n¹évoquons pas la qualité de juriste de madame la Ministre, pour faire prévaloir une quelconque inadéquation entre son profil et le département ministériel dont elle à la charge.
Non, tel ne saurait être l¹objet de notre propos !
A ce niveau de responsabilité, il est d¹autres compétences qui rentrent en ligne de compte et qui relèguent la technicité au second rang.
Aïe ! Ça risque de faire vaciller la tour d¹ivoire des tenants du technocratisme.
Mme Baddou aura, dans les jours qui viendront, si ce n¹est déjà en cours, la lourde tâche de plaider la cause des milliers de malades qui ne cessent d¹être épuisés, autant par le mal souvent chronique dont ils souffrent, que par le coût souvent prohibitif des médicaments qui leur sont nécessaires.
Il n¹est pas rare, et ce n¹est pas toujours gai de le rappeler, de voir des malades qui, à défaut de pouvoir payer leurs médicaments, se laissent parfois aller à la résignation puis à la mort
Le constat est terrible, choquant, cruel il est tout ce que l¹on veut. Mais il n¹est certainement pas excessif !
C¹est une réalité qu¹aucune pudeur de salons ou de convenance ne saurait masquer.
L¹occulter, faire comme si de rien n¹était, ou laisser tout simplement croire que c¹est là le lot commun de bon nombre de pays comparables au nôtre, relèverait, et au premier chef, du délit de non assistance à personnes en danger.
Mme la Ministre aura donc à plaider cette cause, avec le sérieux et la hargne qu¹on lui connaît, mais aussi, et nous l¹espérons, avec la rigueur dont est redevable le traitement de cette situation indigne du Maroc auquel nous aspirons.
Sa plaidoirie, elle la fera face aux industriels qui opèrent dans le secteur pharmaceutique.
C¹est dire combien sa tâche sera ardue !
Ce qui rentrera en ligne de compte, et ça le commun des mortels le sait, ce seront de gros intérêts.
Notre industrie pharmaceutique est performante et nous souhaitons la voir garder, voire améliorer, son actuel niveau de performance.
Qu¹elle puisse assurer notre «indépendance pharmaceutique» à hauteur de 70% n¹est pas rien. Et on l¹en félicite.
La performance de cette industrie fait de notre pays, un pays phare en Afrique. Elle y exporte, comme sur d¹autres continents aussi, une partie de sa production, mais elle y installe aussi, pour des considérations stratégiques, des unités de production pharmaceutique. C¹est dire aussi combien cette industrie est dynamique. Là aussi nous disons bravo !
Il est cependant une tache qui noircit ce tableau : le prix du médicament au Maroc est excessivement élevé.
Le mode de calcul de ce que l¹on appelle le P.P.M dans le jargon pharmaceutique, comprendre le prix public, souffre d¹une assez large inéquité. Le calcul de ce prix qui est du ressort du ministère de la Santé publique fait la part belle à l¹industrie pharmaceutique, sans réelle prise en compte de la dimension socio économique.
Il souffre, parfois aussi, de la non répercussion des réductions des droits douaniers dès lors qu¹elles ont eu lieu. Et là ça ressemble un peu à de l¹arnaque.
Il est en fait inadmissible qu¹un malade continue à payer au même prix, un produit dont le P.P.M a été calculé sur la base de droits douaniers à 30%, alors qu¹entre temps ces droits douaniers ont été abaissés à 2 ou 3%.
Si ce n¹est pas de l¹arnaque, alors dites moi ce que c¹est ?
Il n¹est pas dans notre intention de pointer du doigt, encore moins de mettre à mal, une industrie pharmaceutique dont nous sommes fiers. Loin de nous cette idée !
L¹objet de notre propos, et c¹est là le rôle d¹une presse responsable, c¹est de braquer les lumières sur les incohérences et autres anachronismes qui toucheraient un secteur donné.
Et comme dans le cas d¹espèce, il s¹agit de la santé de millions de nos compatriotes, ce droit de regard n¹est que plus justifié encore.
Mme Baddou aura de toute évidence à se battre sur un terrain assez difficile et face à un lobby c¹est sans connotation péjorative aucune des plus puissants.
Ce lobby ne lui fera pas de cadeaux, on s¹en doute un peu ! Il lui appartient de ne pas lui en faire non plus !
Il serait souhaitable que Mme la Ministre puisse inscrire aussi dans son agenda des priorités, la nécessaire mise en place d¹une politique nationale du médicament à même de favoriser la production et la commercialisation des produits de santé génériques.
Nous savons que les termes de l¹accord de libre échange, conclu (et ratifié aussi) entre notre pays et les USA, ne sont pas pour favoriser une démarche qui irait dans le sens d¹une promotion des produits génériques, néanmoins nous osons espérer voir Mme Baddou arracher des concessions là ou il semblerait difficile d¹en arracher.
Enfin, nous souhaiterions voir les industriels pharmaceutiques faciliter la tâche à Mme la Ministre pour aboutir à un consensus à visage humain et dont la finalité serait de rendre les médicaments accessibles aux populations pauvres.
C¹est là le meilleur des v¦ux que nous osons souhaiter à nos malades en cette fin d¹année.