Au Maroc, ils sont plus de 40 mille couples à divorcer chaque année. Au-delà du qui, du comment et surtout du pourquoi, un autre problème surgit. Les enfants. Ces fruits de l¹union qui, jadis, n¹était qu¹amour et passion. Que deviennent-ils ? Réponses.
Ikram a 10 ans. Depuis le divorce de ses parents, rien n¹est plus pareil. La petite fille devient agressive, coléreuse, s¹emporte pour un oui ou pour un non. Sa mère, qui en a la garde, est à bout de souffle. «Elle me reproche clairement de ne pas vivre avec son père», dit-elle. Selon elle, elle et son ex-mari avaient commis l¹erreur de toujours cacher les disputes et les crises. Ikram a été, de ce fait, surprise par la séparation de ses parents.
Jad était un élève studieux et sans problèmes particuliers. Depuis 3 ans, le petit bout de chou est de moins en moins motivé. Depuis 3 ans, il est incapable de se concentrer. C¹est effectivement depuis 3 ans que ses parents ne vivent plus sous le même toit. Son silence et son renfermement les alertent. Il fallait absolument tourner la page sans le déchirer encore plus, sans mettre en jeu son avenir. Les séances chez un psy s¹avèrent être une évidence, mais les résultats sont encore à prouver. Rien ne semble faire renaître le petit Jad d¹il y a 3 ans.
«Mieux vaut prévenir que guérir». Telle est la devise de Fouad et Rania, respectivement 30 et 28 ans. Lorsque leur mariage s¹est avéré être un échec, leurs deux garçons ont été la priorité. «Il fallait absolument leur expliquer que papa et maman resteront toujours papa et maman quoi qu¹il arrive» précise Rania. Pour la jeune femme, aborder la question ensemble a été le mot clé pour protéger sa chair. Pour Fouad, c¹est en acceptant la crise qu¹on peut la surmonter. Se réfugier dans le silence ou faire comme si ne rien n¹était ne sert à rien. C¹est ainsi que les deux gosses semblent curieusement – et fort heureusement- épanouis. «Ils ne doutent jamais de la place qu¹ils ont dans nos c¦urs et dans nos vies»
En effet, tous les psychologues affirment qu¹un enfant est égocentrique par nature. Il ne peut comprendre une situation que par rapport à lui-même. Pour lui, il est la raison évidente de l¹échec de l¹union parentale. Il est le seul et unique coupable. Il éprouve la nécessité d¹intervenir, de réconcilier.
Souvent, on entend le petit bout de chou dire : «C¹est à cause de mes bêtises si mes parents ne sont plus ensemble» ou «Je suis désobéissant, c¹est ma punition !» ou encore «Je leur fais honte».
Le témoignage le plus criant est celui de Nabila, 6 ans. La petite fille affirme: «Mon père voulait un garçon, je suis née fille et alors j¹ai brisé ma famille»
Devant cette situation qui menace sa sécurité et son équilibre, l¹enfant se sent impuissant. Il a peur, peur de perdre ses repères stables, de voir chambouler son concon familial.
Si l¹épreuve de la séparation est douloureuse pour les enfants, elle l¹est encore plus pour les adolescents.
En effet, les jeunes souffrent aussi lorsque le couple parental se brise. Les comportements deviennent intolérables. C¹est le cas de Yasmina, 16 ans. Depuis le divorce, elle en a fait voir de toutes les couleurs à sa mère. La jeune fille menace même de retourner vivre chez son père. «Je me plie à ses envies car je ne veux ni peux rester seule !»
Les statistiques sont alarmantes. Les jeunes issus de familles éclatées ont 3 fois plus de risques d¹overdose, 2 fois plus de risques de suicide. Les troubles psychologiques, notamment la dépression et le renfermement, sont aussi plus fréquents.
Il est vrai qu¹on ne divorce jamais avec plaisir. Ce n¹est jamais dans l¹intention de se séparer qu¹on s¹unie. Mais lorsque les contraintes de la vie rattrapent le couple, lorsque le mariage s¹avère être un échec, l¹ex-conjoint devient un parent plus que tout et malgré tout. Il faut cesser d¹être égoïste. Cet enfant au regard plein d¹amour mérite une explication. Il lui fait des réponses précises pour éviter les angoisses. Et même si l¹idée de l¹annoncer au petit ange brise le c¦ur, il faut gérer la situation avec autant de calme que de douceur. Ainsi, garder sa sérénité, accepter de dialoguer et être patient sont-ils les mots clés pour rendre l¹épreuve moins douloureuse.
Surmonter une séparation demande du temps. Il faut accepter les crises, les silences et les mots durs de l¹enfant. Et surtout «ne jamais disqualifier l¹autre parent et ne jamais prendre l¹enfant pour confident», ajoutent les spécialistes. Il doit sentir amour et protection, comprendre que rien n¹a changé ou ne changera, que les deux personnes les plus importantes de sa vie le resteront et le seront davantage.
Le nombre de divorces est impressionnant. Mais les statistiques auraient pu être doubles, voire même triples.
En effet, beaucoup l¹affirment: «rester pour les enfants». Certaines mères sont inquiètes des conséquences éventuelles qu¹aura le divorce. Elles restent même si la vie à deux n¹est plus possible. Mais l¹enfant ne sera-t-il pas mieux dans une famille monoparentale calme ? Ne se sentirai-t-il pas plus en sécurité que lorsque le couple «uni» est en crise ? «La présence d¹enfants ne doit en aucun cas être le prétexte pour rester ensemble», selon Samira, 31 ans. Ses parents se disputaient sans cesse et le fardeau a été plus dur à porter.
La dissolution du mariage reste un problème social. Le poids des coutumes, le regard des autres et les «que dirai-t-on?» hantent tous les esprits. En attendant, l¹avenir du monde de demain est en jeu. Et c¹est la priorité.
Fatima Az Zahra
El Boukhari